La grande crise de 2008 aurait du être du pain béni pour la gauche européenne. Pourtant, c’est elle qui est en crise aujourd’hui et la droite qui triomphe, jusqu’en Suède. Les dernières réactions en Allemagne et en Grande-Bretagne illustrent ce malaise.
Un timide virage à gauche ?
La défaite du SPD lors des élections législatives Allemandes de 2009 puis celle des travaillistes en Grande-Bretagne ce printemps ont provoqué un changement logique de dirigeants. Dans les deux cas, les partis ont choisi un nouveau chef davantage marqué à gauche. Le cas du Parti Travailliste était assez original puisque c’est le frère cadet Milliband, Ed, 40 ans, qui l’a emporté d’un cheveu sur son frère David alors que ce dernier pouvait sembler plus à même de mener son parti à la victoire.
Mais le nouveau chef des travaillistes, soutenu par la gauche du parti, et notamment les syndicats, une fois la victoire acquise, s’est empressé de dire que cela ne provoquerait pas un virage à gauche, opérant un recentrage immédiat. La tentation centriste a toutes les chances de rester forte dans la mesure où elle a permis au parti de remporter trois élections consécutives. En Allemagne, le SPD se dirige timidement vers l’instauration d’un salaire minimum.
Les mauvaises leçons de la crise
En fait, le manque d’attrait de la gauche est parfaitement compréhensible. Les citoyens ne parviennent pas à voir de différences notables avec la droite. Les deux camps ont accompagné la politique de déréglementation et la droite dénonce aujourd’hui aussi vigoureusement que la gauche les excès du capitalisme. Et du coup, les peuples ont du mal à saisir la différence d’interprétation de la crise ou à voir des différences dans les solutions préconisées.
Car ce qui est frappant en Grande-Bretagne et en Allemagne (comme en France), c’est l’absence d’explication systémique à la crise et de solutions structurelles de la part de la gauche. La social-démocratie croît dur comme fer au libre-échange (le protectionnisme étant souvent vu comme un produit du nationalisme), à l’indépendance des banques centrales ou au fait de confier aux banquiers le soin de mettre en place leur réglementation…
Le malaise de la social-démocratie n’est pas prêt de cesser devant son incapacité à tirer les leçons de la crise. Pour revenir au pouvoir, elle ne pourra compter que sur la médiocrité des dirigeants de la droite, ce qui lui laisse une chance en Italie ou en France…
Laurent Pinsolle